La vie est un grand projet

Le talent est une fiction

Rédigé par Raphaëlle Joppin | Apr 19, 2024 12:35:43 PM

Je viens de finir la lecture du livre de Samah Karaki, « Le talent est une fiction – Déconstruire les mythes de la réussite et du mérite ».

Comme son titre l’indique, l’auteure vient déconstruire, par des références à de nombreuses études dans les domaines des neurosciences, de la psychologie et des sciences sociales, des mythes qui soutiennent la croyance largement partagée selon laquelle le talent serait inné.

L’auteure revient notamment sur le fameux « test de la guimauve » mis en place par Walter Mischel dans les années 90. Cette expérience concluait que ceux qui résistent enfants à la tentation de manger une première guimauve placée devant eux pendant 15 minutes, dans la perspective d’en recevoir une seconde après cette attente, ont des années plus tard des compétences générales verbales et un raisonnement mathématique plus élevés, mesurés par les scores de l’examen standardisé utilisé pour l’admission aux universités des Etats-Unis.

Mais une nouvelle étude publiée en 2018 vient infirmer la corrélation entre la performance au test de la guimauve de l’enfant et ses attributs futurs. Autrement dit, ceux qui enfants, ont fait preuve de volonté, n’ont pas de meilleures garanties de réussir une fois adultes. En revanche, cette nouvelle étude montre que c’est le contexte social et économique stable qui a permis à l’enfant de résister à la guimauve, de même que les scores à l’examen d’entrée ne sont prévisibles que si ces adultes ont grandi dans des environnements sociaux et économiques stables.

Le chapitre final « Au-delà de la fiction » reprend tout le cheminement intellectuel de l’auteure :

  • « Tout talent est ancré dans des fondements biologiques et est également modulé par un large ensemble d’influences sociales, culturelles, historiques et géographiques. Les personnes qui nous paraissent exceptionnelles ont des circonstances de vie, des capitaux culturels et socio-économiques, des traits physiques, des connexions et des croyances et ses facteurs prédisent leur succès d’une manière plus écrasante que leur potentiel individuel ».
  • « Le principal de ses facteurs est l’héritage : la course au succès est plus une course de relais dans laquelle nous héritons des positions de départ de nos parents ».
  • « Les effets persistants de la discrimination et les préjugés systémiques, bien que moins visibles et plus subtils dans leurs formes contemporaines, continuent de créer un accès différent aux opportunités et aux récompenses, indépendamment des talents individuels ».
  • « Un dernier facteur, mais non le moindre, c’est l’effet aléatoire de la chance, qu’elle soit bonne ou mauvaise : simplement, être au bon endroit de la planète au bon moment de l’histoire ».

Ces barrières systémiques peuvent être sources de démotivation sur notre capacité à agir sur le cours de nos vies. Mais si les déterminismes nous façonnent, il existe malgré tout une marge de manœuvre. Je travaille avec cet état d’esprit pour aider mes client.es à trouver les solutions qui sont actionnables dans leur propre espace de liberté.

Tout au long de la ma lecture, j’ai fait des allers-retours entre ce que je lisais et ce qui me guide dans ma pratique:

  • Le modèle proposé par Robert Dilts avec sa pyramide des niveaux logiques :
    • Niveau 1 – Environnement : il correspond aux « Où » et « Quand » ; c’est le niveau du contexte où la personne évolue.
    • Niveau 2 – Comportement : il correspond au « Quoi ? » ; c’est le niveau des actions qui sont réalisées ou non.
    • Niveau 3 – Capacités : il correspond au « Comment? » ; c’est le niveau des compétences et de l’organisation.
    • Niveau 4 – Croyances : il correspond au « Pourquoi? » ; c’est le niveau des croyances et des valeurs, concernant sa propre personne, les autres, ou la vie.
    • Niveau 5 – Identité : il correspond au « Qui ? » ; c’est le niveau qui concerne l’identité et la mission du sujet.
    • Niveau 6 – Spirituel : il correspond au « Qui d’autre ? » ; c’est le niveau d’appartenance qui répond à la question : « Quel est le monde auquel je me sens appartenir ? ».

Je prends encore plus conscience de la puissance de ce modèle et de la nécessité de bien explorer l’environnement lors de mes coachings ; ce n’est pas pour rien que c’est la base de la pyramide !

  • La recherche des croyances à l’œuvre, qui ne sont pas héritées que de la famille mais aussi produites par la société, comme les stéréotypes raciaux ou de genre, et peuvent avoir une forte incidence sur nous.
  • L’importance de rester non directive pour ne pas influencer la personne que je coache et lui laisser donner le cap : j’ai eu une bonne piqûre de rappel pour rester vigilante sur les propres déterminismes qui peuvent m’influencer.

Pour conclure, je souhaite reprendre les dernières lignes de ce livre que je vous recommande :

« Il y a une beauté flagrante et mystérieuse dans ces phénomènes et une douceur indéniable dans la réalisation que le destin individuel tire des racines interminables de l’expérience des autres ».